Moralisation du projet
15 April 2013, Le Monde
Il est prématuré d’écrire l’épilogue, mais une page victorieuse a été tournée cette semaine à Notre-Dame-des-Landes.
Les trois commissions d’experts qu’avait nommées M. Ayrault ont rendu leurs rapports. Le premier manque de sérieux : la commission de dialogue ne s’est pas interrogée sur l’effet du développement du trafic aérien sur le changement climatique. Mais si, en accord avec son mandat, elle juge le projet d’un nouvel aéroport pertinent, elle émet des recommandations qui en retardent l’engagement. Quant à la commission scientifique chargée d’évaluer la méthode de “compensation” du bocage à détruire, elle dresse un zéro pointé à ladite méthode. Il faut reprendre les études. En attendant, on est prié de ne pas couler de béton.
Le 13 avril a lieu à Notre-Dame- des-Landes la fête de “Sème ta “zad””. Paysans, écologistes et “zadistes” y auront préparé des plantations et de nouvelles installations agricoles. Il s’agit maintenant de réfléchir aux défis de la victoire envisageable : comment transformer l’humus de la “zad” en une matrice fertile pour les luttes contre la dévastation à l’oeuvre dans le monde ?
Un aspect de la bataille contre les grands projets inutiles ne saurait être oublié. Ceux-ci impliquent fréquemment corruption et conflits d’intérêts, comme cela a été révélé dans le chantier de LGV à Florence, en Italie, et dans le dossier de la LGV Lyon-Turin. En ces temps de moralisation post-Cahuzac, il convient de rappeler que les grands travaux peuvent être mêlés à l’argent opaque.
Le 8 avril, en Russie, le journaliste Mikhaïl Beketov est décédé. Il avait été sauvagement battu par des inconnus en 2008, alors qu’il enquêtait sur la corruption imprégnant le projet d’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, traversant la forêt de Khimki, et dont Vinci, l’opérateur de Notre-Dame-des- Landes, est le promoteur. Le financement du projet implique des proches de M. Poutine et des compagnies basées à Chypre, paradis fiscal, a montré l’ONG CEE Bankwatch.
En février, François Hollande s’est rendu à Moscou. Il y a rencontré des personnalités russes, dont Evgenia Chirikova, de l’association Sauver la forêt de Khimki et lauréate du prix Goldman. Mme Chirikova dit avoir informé le président français du comportement de Vinci et que M. Hollande lui a promis d’en parler à la direction de cette firme. Le Monde a interrogé l’Elysée pour savoir quand cette discussion aurait lieu. Jusqu’ici, pas de réponse. “Allô, l’Elysée ?”