L’or contre l’eau au Kirghizstan
17 February 2012, Affaires Strateguiques
L’entreprise minière Kumtor Gold Mine est aujourd’hui montrée du doigt par deux études sorties consécutivement et qui l’accusent de négligences graves aux conséquences nuisibles pour le reste de la région centrasiatique. Dans un contexte géographique où l’eau constitue un enjeu majeur, le Kirghizstan bénéficie d’un avantage stratégique puisqu’il est placé en amont des autres pays. Si la gestion des ressources hydriques se fait théoriquement en concertation avec les autres partenaires de la région, ces deux rapports montrent que les relations sont conflictuelles.
La Kumtor Gold Mine est la principale entreprise d’exploitation des filons d’or du Kirghizstan. Ce géant canadien représente près de 12% du PIB et 54% des exportations du pays. De nombreuses voix s’insurgent contre le non-respect des législations et de l’environnement, perpétré au nom de la rentabilité économique. Le rapport de la commission inter-gouvernementale publié le 30 janvier, et celui du géochimiste et hydrologiste Robert Moran publié le 31 janvier, mettent tous deux en avant de graves lacunes dans le traitement des déchets générés.
Suite aux plaintes répétées des populations de la province d’Issyk-Kul, la commission inter-gouvernementale recommande dans son rapport la suspension temporaire des activités minières. Cette décision vise à stopper la pollution des eaux engendrée par les rejets, et responsable de la baisse des ressources en poisson, ainsi que de graves maladies. Depuis l’ouverture de la mine en 1996, cette dernière déverse de grandes quantités de métaux lourds (arsenic, nickel …) dans la rivière Naryn, l’un des principaux affluents du Syr-Daria. Les organisations environnementales et le docteur Rober Moran mettent en garde contre les dégâts irréversibles qui pourraient être causés. Dans son rapport, ce dernier dénonce les conditions de stockage et d’élimination des déchets chimiques. Alors que le cyanure est directement reversé dans les rivières à raison de dix tonnes par jour, les autres déchets chimiques sont stockés pour une part dans une zone sismique, et pour l’autre part sur les pentes d’un glacier.
Plus généralement, la pollution des eaux, pose un problème géopolitique majeur en Asie centrale. Les pays en aval (Kazakhstan, Ouzbékistan) dépendent fortement des pays d’amont (Kirghizstan, Tadjikistan) pour leur consommation quotidienne et pour l’irrigation. La mise en danger de ces ressources par le Kirghizstan pourrait, selon Robert Moran, remettre en cause les fragiles accords sur le partage des eaux.